Les Rubiaceae sont l'une des plus grandes familles de plantes à fleur. En Europe, elles sont presque toutes herbacées et on y dénombre que 6 genres. Mais ce sont des cas à part donnant une fausse idée de la famille, qui est surtout tropicale avec une majorité de végétaux ligneux.
Des modes divers de pollinisation, des mécanismes particuliers de protandrie, des téguments séminaux complexes chez les espèces les plus évoluées à petites graines, des entomodomaties, des modèles architecturaux nombreux donnent à cette famille un extrême intérêt biologique.
Distribution
La famille est très largement répandue et concentrée dans les régions tropicales et subtropicales, avec quelques espèces présentes dans les régions tempérées et même dans l'Arctique et l'Antarctique.
À l'échelle du globe, il y a peu de familles de Magnolopsides qui soient à la fois aussi importantes et aussi diversement réparties que les Rubiaceae. Elles sont cependant absentes des stations typiquement aquatiques et des stations de haute montagne. La forêt dense humide compte la majorité des espèces, et les types biologiques y sont les plus variés.
Appareil végétatif
Ce sont principalement des arbustes (
Coffea,
Tricalysia,
Psychotria), mais les arbres ainsi que les lianes ligneuses ou herbacées sont bien représentés. Ils sont persistants, rarement caducs (
Hymenodictyon). Certains genres sont épiphytes (
Hillia,
Hydnophytum,
Myrmecodia). Le port est généralement polycaule. Certains genres possèdent des rameaux épineux, les épines provenant de ramilles ou de pédoncules modifiés (
Serissa...), d'autres possèdent des tiges ailées (
Hedyotis,Rubia) ou applaties (Wendlandia).
La myrmécophilie y est bien représentée. De gros renflements contenant un réseau de cavités se développent sur les racines et sont habités par les fourmis. Même si la plante et les insectes ont développés une symbiose profitant à chacun : la fourmi protégeant la plante, et recevant le gîte en retour. Il n'a pas été prouvé qu'ils étaient dépendants l'un de l'autre.
Les feuilles sont opposées-décussées ou distiques, parfois verticillées par 3-5, simples et entières ou plus rarement lobées (Hymenodictyon, Morinda), parfois anisophylles, pétiolées ou sessiles, à nervures pennées, plus rarement réticulée. Les pétioles peuvent être articulés à la base chez Ixora.
Les stipules sont un caractère important de la famille. Persistants ou caducs, interpetiolaires ou intraxillaires, ils sont insérées sur le rameau, séparément ou jumelées, effilées ou foliacées, parfois soudées et tubuleuses. Les stipules peuvent se réunir en une seule pièce qui peut ensuite se subdiviser. Leur forme est généralement lobée, mais elles peuvent aussi être laciniées, tronquées ou caudées. Chez les Galium, on assiste au même phénomène, mais les feuilles, reconnaissables à ce qu'elles axillent généralement un bourgeon, sont très simplifiées, sessiles et sans pétiole. Conjointement les stipules sont devenues foliacées, tout à fait semblables aux vraies feuilles, et l'ensemble constitue autour de la tige un pseudo-verticille. Secondairement, la disposition opposées des feuilles entraîne chez les Galium et plantes affines, comme pour les Lamiaceae, une tige carrée, mais là encore, cette disposition ne peut se manifester que chez les espèces herbacées : si les formations secondaires fonctionnent, on a une section circulaire.
Enfin, certaines espèces présentent, à la naissance des nervures secondaires et à la face inférieure du limbe, des cavités ou scrobicules à l'intérieur desquelles vivent de petits acariens.
Anatomie
L'anatomie des Rubiaceae montre un periderme superficiel, des fibres pericycliques fréquentes, en anneau continu ou non, de l'oxalate de calcium sous diverses formes (raphides chez Uragoga, Psychotria, cellules à sable chez Cinchona) et des poils tecteurs unicellulaires ou uniseriés, souvent en bouquets, mais pas de poils sécréteurs. Parfois, il y a des cellules sécrétrices dont le contenu complexe est formé d'un suc gommo-résineux et de tanin (Cinchona). Les stomates ont deux cellules annexes parallèles à l'ostiole. Enfin, certains ipéca montrent une structure spéciale du bois, qui est dépourvu de vaisseaux.
Reproduction
Les fleurs peuvent être solitaires (Gardenia) se groupent plus souvent en inflorescences, pauciflores ou multiflores, en cymes, panicules, grappes de cymes, corymbes, formant parfois des bouquets sphériques (Bouvardia, Ixora, Pentas) ou des capitules sphériques (Nauclea, Morinda, Mitragyne). On assiste, surtout chez les espèces exotiques, à une condensation de l'inflorescence, allant jusqu'à la soudure des ovaires de fleurs mitoyennes. Les fleurs et inflorescences sont terminales ou axillaires, et la cauliflorie existe chez certains genres. Les bractées, parfois absentes ou très réduites, peuvent aussi être au contraitre très développées et prendre un caractère pétaloide (Dunnia, Neohymenopogon), et plus exceptionellement, fusionner et prendre un aspect involucral. Chez certains genres, elles sont multifides ou fimbriées (Damnacanthus, Kelloggia, Spermacoce), ou encore spinescentezs (Phuopsis).
Les fleurs sont souvent pentamères, parfois tétramères ou pléiomères (Neorosea, certains Coffea ou Rothmannia), actinomorphes, plus rarement zygomorphes (Argostemma). L'hétérostylie existe chez certains genres, certains genres possédant même une tristylie (Chassalia, Pentas). Elles sont hermaphrodites, plus rarement unisexuées, et dans ce cas il y a dioecie, plus exceptionellemrent polygamo-dioecie (Diplospora, Galium, Guettarda) ou monoecie (Galium).
Le calice est gamosépale et soudé à l'ovaire infère ou à l'hypanthioum, ce dernier étant ellipsoide, turbiné, obconique, cylindrique ou plus rarement globuleux. Le calice peut être glandulaire (Galium, Kelloggia), ou plus rarement silloné ou ailé (Gardenia, Spiradiclis), et ses 4-5 lobes, plus rarement nombreux, peuvent être tronqués ou denticulés ou lobés. Le calice peut se doubler d'un calicule ou comporter un sépale développé de couleur attractive (Pogonopus, Pinckneya, Mussaenda), ou au contraire être extrêmement réduit.
La corolle, gamopétale, à préfloraison imbriquée, valvaire, valvaire indupliquée, valvaire redupliquée ou contortée, constitue un tube parfois court (Galium), souvent long, dépassant 20 cm chez certains Gardenieae. Elle se composent de 3-4, 5 ou judsqu'à 11 lobes, parfois plus longs que le tube, et étant chez quelques genres ciliés ou munis d'appendices (Cinchona, Luculia, Rondeletia, Saprosma, Serissa). Elle est de type funneliforme, hypocratériforme, tubulaire, campanulée, plus rarement rotacée, urcéolée (Canthium, Lasianthus), renflée (Keenania, Leptomischus) ou courbée (Chassalia, Guettarda, Mycetia, Ophiorrhiza). Chez certains genres hétérostylés, elle peut aussi varier en longueur (Antirhea). Chez d'autres genres, elle peut être charnue ou coriace (Caelospermum, Damnacanthus, Fosbergia, Rothmannia, Timonius, Urophyllum). Généralement glabres, une pubescence peut parfois s'observer à l'intérieur du tube corollaire; normalement confiné à la gorge.
Les étamines, en nombre égal à celui des lobes pétalaires, rarement plus nombreuses (Gardenia), sont insérées entre ceux-ci et soudées par leur filet au tube, parfois à la base et apparaissant presque libres (Galium). Chez Acranthera, elles sont soudées au stigmate. Elles sont incluses ou excluses. Les filets peuvent être réduits, cohérents (Argostemma) ou fusionnés (Acranthera), glabres ou pubescents, parfois applatis (Hymenodictyon, Kellogia). Les anthères basifixes ou dorsifixes, parfois sagittées, bilocellées, exceptionnellement multilocellées, s'ouvrent par des fentes de déhiscence longitudinales, et très rarement par des pores apicaux (Argostemma). Le pollen est à trois pores, plus rarement sans pores apparents (Rubia), tétraédrique (Oxyanthus, Gardenia), ou à nombreux sillons (Spermacoceae).
L'ovaire infère, supère chez quelques genres (Pagamea, Gaerthnera), comporte généralement deux loges par affrontement et soudure, ou coalescence axiale, de deux placentas opposés. Ces derniers peuvent être incomplètement soudés (Oxyanthus), les loges étant alors plus ou moins confluantes, ou courts et pariétaux (Gardenia, Ceriscoides), l'ovaire étant alors uniloculaire. Les loges sont parfois en plus grand nombre (5 chez Sabicea, 12 chez Lasianthus). Le nombre des ovules dans chaque loge varie de 1 à plus de 300. Le style est simple, et le stigmate est capité ou diversement lobé. Chez quelques genres, les ovaires sont soudés ensembles au sein de l'inflorescence (Mitchella, Morinda, Mouretia).
Les fruits sont très divers, secs ou charnus. Il s'agit généralement d'une capsule à dehiscence loculicide, septicide, circumsessile (Mitracarpus) ou encore apicale (Hedyotis, Neanotis, Neohymenopogon, Ophiorrhiza, Pentas, Spiradiclis), ou enfin via un opercule (Argostemma, Leptodermis, Leptomischus, Mouretia, Pseudopyxis). D'autres fois, il s'agit d'une baie, d'une drupe ou d'un schizocarpe (Asperula, Cephalanthus, Richardia), ou encore d'un syncarpe (Mitchella, Morinda, Nauclea). Les graines, uniques à nombreuses, habituellement albuminées, ont une morphologie variée. Elles sont ailées chez les Cinchoneae. L'embryon est droit ou courbé. L'endosperme est charnue et gras, parfois ruminé (Psychotria) ou plus rarement absent (Antirhea).
Classification et phylogénie
Les Rubiaceae ont des affinités avec les Gentianales et les Dipsacales, les deux possédant des feuilles opposées et des ovaires bicarpellés. Les opinions varient sur la classification de la famille dans l'ordre des Rubiales, ou dans celui des
Dipsacales, ou encore dans celui des
Gentianales.
Bien que les Rubiaceae forment un groupe très distinct, leur classification à l'intérieur de la famille est sujette à controverses. Les anciens systèmes reconnaissent sous-familles, selon le nombre d'ovule par loges, 1 ou plusieurs. Cependant, 3 sous-familles complètement différentes ont été proposées récemment.
Les
Cinchonoideae (
Gardenia,
Cinchonia...) sont des arbres, des arbustes, plus rarement des herbes, parfois des lianes, tous tropicaux. Elles se distinguent par l'absence de raphides d'oxalate de calcium dans les feuilles, la totale absence d'hétérostylie, des stipules rarement divisés et les graines albuminées. On y distingue 17 tribus.
Les
Coffeoideae ou
Guettardoideae (
Coffea,
Uragoga,
Richardsonia,
Psychotria...) sont des plantes tropicales ligneuses et à feuilles quelconques, dépourvues de raphides d'oxalate de calcium, stipulées, mais les carpelles sont uniovulés. L'heterostylie est absente. Le fruit est très généralement charnu, c'est une drupe à deux noyaux. Les graines sont exalbuminée. On distingue 1 tribu.
Les
Rubioideae (
Galium,
Rubia...) sont des plantes herbacées des régions tempérées. Ce sont des plantes surevoluées, nettement différentes des autres Rubiaceae. Les feuilles, contenant des raphides d'oxalate de calcium, et les stipules, souvent divisés en fines ramifications, sont semblables, et forment de pseudo-verticilles, leur tige est carrée. L'heterostylie est commune, et les fleurs sont généralement devenues secondairement tétramères. Les carpelles sont uniovulés, et le fruit est généralement sec : c'est un diakène. Seules exception, les garances ont des fleurs encore pentamères. Les graines sont normalement exalbuminées. On y distingue 11 tribus.
Intérets
De nombreuses plantes sont utilisées pour leurs propriétés médicamenteuses. Toutes les Cinchoneae sont riches en alcaloïdes : l'écorce des quinquinas, le Cinchona officinalis en particulier, originaire d'Amérique du Sud tropicale, et cultivé en Indonésie, Inde et Afrique, contient de nombreux alcaloïdes à propriétés toniques et fébrifuges (quinine, cinchonidine). D'autres genres (Ladenbergia, Remijia) d'Amérique du Sud ont des propriétés voisines. Les quinquinas d'Afrique (Pseudocinchona, Nauclea) contiennent de plus, comme le genre Pausinystalia, de la yohimbine à propriétés sympathologiques.
Parmi les Coffeoïdeae, les caféiers, originaires d'Afrique (Coffea arabica d'Abyssinie, C. liberica, C. robusta de la Côte-d'Ivoire) et cultivés dans toute la zone tropicale, en particulier en Amérique du Sud au Brésil et en Amérique centrale, donnent des graines riches en caféine. Chez le caféier, le fruit est une drupe à deux noyaux. Chaque noyau contient une graine à albumen corné et munie d'un repli ventral, le sillon. Privée de son tégument par polissage et torréfiée, chaque graine constitue un grain de café.
La racine des ipécas (Uragoga ipecacuanha, l'ipéca officinal) contient de l'émétine, de la psychotrine et de la céphéline, alcaloïdes à propriétés vomitives et antidysentériques. Les faux ipécas (Richardsonia, Psychotria, Manettia) sont des propriétés semblables. Les hétérosides sont aussi abondants : ceux des aspérules répandues dans tout l'ancien Monde contiennent de la coumarine (Asperula odorata). Ceux de la racine de garance (Rubia tinctorum) donnent, par hydrolyse, un colorant anthracénique, l'alizarine. Les Rubiaceae fournissent encore des tanins, des bois exploitables (Bilinga).
Quelques fruits sont consommés localement pour leur pulpe à saveur acidulée ; bon nombre d'espèces sont ornementales, cultivées dans les jardins tropicaux ou en serres (Pentas, Ixora, Gardenia, Bouvardia).